Yells Atreuma

  • 2019

Yells‑Atreuma est une préfiguration spéculative de la remédiation de l’homme à son environnement, grâce au physarum polycephalum comme medium de communication et de liaison.

Yells‑Atreuma combine une entité logicielle (réseau neuronal), une entité biologique (physarum) et une entité synthétique (impressions 3D).

Yells‑Atreuma met en jeu les hésitations et contournements d’organismes hétérogènes dont le devenir reste incertain par la transformation, la cohabitation, et des dynamiques de colonisation.

Yells‑Atreuma questionne les opérations d’empathie, d’appropriation et de cohabitation.

Le titre même de l’oeuvre : « Yells-Atreuma » est issu d’un programme génératif textuel conçu par nos soins. Il est l’une des nombreuses possibilités poétiques et lexicales produites par un réseau neuronal dont les « nourritures » essentielles consistent en deux listes distinctes. L’une recense toutes les pathologies connues au monde, l’autre énumère de nombreuses figures mythologiques, sacrées et occultes. De ces lexiques spécifiques et entremêlés par le réseau neuronal, c’est une nouvelle forme de langage qui est produit, activé, modelé par le physarum et ses déplacements. Ce dernier produit alors un meta-langage, balbutié et, paradoxalement, parfois complexe, évocateur de l’origine des corpus donnés au programme, mais ouvrant également à des imaginaires hybrides.

Blob, lichen, champignon, algue, racine ou moisissure, telles pourraient être les nombreux qualificatifs du physarum. Mais, il serait plus juste de le qualifier comme une amibe collective, un organisme appartenant à la classe des protistes et n’appartenant ni au règne des champignons, ni celui des plantes ou des animaux. Pourtant, son étude est faite par les mycologues (le physarum est qualifié de myxomycète, étymologiquement champignon gélatineux) et son environnement de développement, symbiotique, climatique, environnemental le rapproche des champignons en général.

Les caractéristiques du physarum sont étonnantes. Sa capacité de croissance est phénoménale et peut atteindre jusque 1cm/h, le mucus qu’il produit le protège de l’assèchement et constitue une mémoire spatiale externalisée depuis laquelle il peut identifier des points stratégiques problématiques (obstacles, répulsifs) ou vitaux (apports de nourriture, autre organisme). Ces propriétés expliquent son utilisation en laboratoires, dans des cas de modélisation complexes telles que des réseaux de communication ou de transport. La visualisation des transports aériens au Canada ou la reconfiguration optimisée du réseau de métro de Tokyo figurent parmi quelques unes des expériences. Plutôt qu’envisager le physarum comme moyen capable de résoudre des problématiques, il s’agit alors de l’investir comme contre-agent, moteur d’une dynamique, d’une énergie qui nous échappe et permet d’hybrider les impressions 3D, se les réapproprier et développer une dynamique symbolique propre quant à la régénération des entités synthétiques.

La visualisation du corps jusqu’à un niveau microscopique est désormais permise par de multiples appareils spécialisés tels que les scanners et IRMs. Des modèles 3D sont librement partagés au sein de la communauté médicale et permettent à chacun d’imprimer et donner corps aux organes de nos choix. Ce geste de remodélisation du corps comme interface du vivant au sein du réel et de la société est symboliquement puissant. De l’époque où les médecins apprenaient l’anatomie à la morgue, tâchaient d’en comprendre les fonctions et corrélations, c’est une ère de l’information et du tout voir qui se présente désormais. Et pourtant, depuis des médecines traditionnelles issues d’autres cultures, telles qu’en Asie, en Inde ou même dans des pratiques rituelles animistes, le corps est pris dans une globalité, intègre des dynamiques non proprement corporelles telles que les énergies, les émotions, des rythmes circadiens, l’alimentation, les interactions environnementales ou sociales. C’est une conception radicalement différente qui nous apprend à ne plus considérer le corps comme un élément isolé et fonctionnel mais en interaction avec d’autres variables.

Alors, dans Yells-Atreuma, les impressions 3D Eredeviennent par l’hybridation réalisée des organes, mi végétaux, mi-plastiques. Chacune fonctionne de façon autonome comme sculpture mais aussi comme le terrain privilégié dévolu au développement de souches de physarum. Instruments de visualisation, de croissance, de colonisation, les organes intègreront des points stratégiques et de convergence nécessaires à la croissance et expansion du physarum. Progressivement recouvertes par le physarum, selon une logique qui lui est propre, ce sont des chemins, des dynamiques, des remèdes et contre-remèdes qui s’activent.

  • Expositions : "Fonction critique 2", Aperto, Montpellier, janvier 2020.
  • "Aux frontières du vivant", Le Hublot, Nice, novembre 2019.
  • Impressions 3D, bulles de verre, gelose, agar-agar, physarum polycephalum, électorniques, enceintes et lumières.